Depuis quelques semaines, le nom de The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy revient en boucle sur les réseaux. Sorti le 5 novembre dernier en VF chez Calix, le roman de Brigitte Knightley fascine autant qu’il divise. Entre humour noir, slow burn et tension explosive, il coche toutes les cases du trope enemies to lovers. Toutefois, une question agite les lecteurs : ce livre est-il en réalité une fanfiction Dramione réécrite ?
The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy : une romantasy à la croisée des mondes

Le roman de Brigitte Knightley s’inscrit dans une duologie intitulée Dearly Beloathed, où se mêlent magie, steampunk et humour burlesque. L’histoire met en scène Osric Mordaunt, assassin sarcastique frappé d’un mal mystérieux, et Aurienne Fairhrim, guérisseuse distante issue d’un ordre rival. Obligés de collaborer, ils se détestent, se défient et se désirent, un schéma que tout lecteur de fanfiction connaît bien.
Derrière ses décors d’Angleterre alternative, The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy reprend la structure emblématique du trope Dramione : deux ennemis liés par la contrainte, forcés de se comprendre avant de s’aimer. Et pour cause : le texte s’inspire d’une fanfiction culte du fandom Harry Potter, Draco Malfoy and the Mortifying Ordeal of Being in Love, publiée il y a plusieurs années sur Archive of Our Own et écrite par Brigitte Knightley elle-même.
De Draco Malfoy and the Mortifying Ordeal à la romantasy : une filiation évidente ?
Dans la communauté Dramione, cette fanfiction signée isthisselfcare fait figure de monument. Située après la guerre, elle imagine Draco Malfoy devenu Auror et Hermione Granger travaillant dans la recherche médicale, contraints de collaborer pour sauver le monde magique. Le ton y est sarcastique, l’humour cinglant, et la romance d’une lenteur désarmante.

Le succès du texte, souvent cité comme l’un des meilleurs exemples d’enemies to lovers modernes, a marqué toute une génération de lecteurs. Beaucoup reconnaissent dans The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy la même verve, la même tension intellectuelle et émotionnelle, et cette ironie mordante qui a fait le succès de la fanfiction de l’autrice.
Toutefois, comme c’est le cas pour d’autres livres du moment , Brigtte Knightley transpose ces dynamiques dans un univers original : plus de baguettes ni de Poudlard, mais des factions magiques et une technologie anachronique. Osric et Aurienne ne sont pas Draco et Hermione, mais leur ADN narratif reste familier : sarcasmes, blessures, orgueil, et un attachement qui refuse de dire son nom.
Une œuvre « codée Dramione » plus qu’une adaptation directe ?
Pour certains, dire que The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy est une fanfiction réécrite serait peut-être aller trop loin. Brigitte Knightley a construit un univers autonome, sans reprendre le scénario ou les dialogues de The Mortifying Ordeal. Cependant, il serait tout aussi faux de nier la parenté entre les deux.
Le roman s’inscrit dans la mouvance actuelle des fanfic-to-realfic, ces œuvres issues du fandom qui conservent la structure émotionnelle et les tropes de leur matrice, tout en les adaptant à un contexte original. C’est un phénomène que l’on retrouve déjà dans Rose in Chains ou Alchemised, deux romans également inspirés de fanfictions Dramione, où les auteurs ont choisi d’émanciper leur création de l’univers magique d’origine.
Dans le cas de Brigitte Knightley, The Irresistible Urge to Fall For Your Enemy agit presque comme un clin d’œil codé à cette culture : on y reconnaît les répliques acérées, les blessures non dites et le rythme psychologique si typiques du duo Draco/Hermione.
Quand la fanfiction devient littérature : une tendance qui interroge
Le succès de ces romans pose cependant une question plus large : où s’arrête l’inspiration, et où commence la réappropriation ? Si de nombreux lecteurs saluent la créativité des auteurices issues du fandom, d’autres s’inquiètent d’une forme d’effacement du matériau original, surtout lorsqu’il s’agit d’univers comme Harry Potter.
Certains reprochent à ces publications de transformer des œuvres communautaires gratuites en produits commerciaux, d’autant plus que ces fanfictions vivaient dans un espace de partage non marchand. D’autres, au contraire, y voient une évolution naturelle : des auteurices qui, après avoir affiné leur plume dans le fandom, accèdent enfin à la publication professionnelle.
Dans le cas du fandom Harry Potter, reste la question centrale de JK Rowling, considérée comme l’une des autrices les plus problématiques du moment après ses prises de positions transphobes. La sortie du livre Alchemised a d’ailleurs entraîné une vive polémique à cause de cette filiation.

